Réformé mais jamais véritablement supprimé, le travail forcé a ainsi perduré sous la Troisième République, le régime de Vichy et dans les colonies passées aux côtés de la France libre. ». Rares sont ceux qui, comme la philosophe Simone Weil, ont dénoncé « les déportations massives » des « indigènes » et le recours meurtrier au travail forcé en Afrique française et en Indochine. Même si elle a été souvent modifiée ou encadrée, la possibilité du recours au travail forcé est restée force de loi jusqu'à 1946 où ce code – "honteuse survivance des premiers temps de la colonisation" (journal Ce Soir du 27 décembre 1945) – est aboli avant d'être supprimé par une loi portée par Félix Houphouët-Boigny. Dans l'empire colonial français, le travail forcé s'est développé légalement avec la généralisation du Code de l'indigénat à partir de 1887. "Dix-sept mille morts, sous les coups de la meute hystérique des contremaîtres européens et de leurs tirailleurs sénégalais, eux-mêmes exténués par les épidémies", écrivait Albert Londres dans son livre Terre d’Ebène paru en 1929 sur l’Afrique coloniale, et notamment sur le travail forcé utilisé pour la construction du train Congo-Océan. Ils ne touchent aucun salaire et doivent être nourris par les populations des villages qu’ils traversent. En effet, les hommes et les femmes visés ne sont pas des individus condamnés à une peine privative de liberté prononcée par un tribunal, à laquelle viendrait s’ajouter celle des travaux forcés ; cette obligation concerne les populations civiles de l’empire dont les membres sont « sujets indigènes », soit l’écrasante majorité des individus. À l’exception des anciennes colonies esclavagistes, le travail forcé a été officialisé dans les colonies françaises, de 1900 à 1946. Précision essentielle : ce travail forcé – tâches de construction, transport de marchandises, entretien des agglomérations… – est imposé de façon autoritaire et souvent violente aux autochtones qui n’ont commis ni crime ni délit. Cette approche évacue unilatéralement l'essence du travail forcé, c'est-à-dire l'exercice d'une contrainte extra-économique pour mettre au travail un individu. Si officiellement l’esclavage était interdit, le "travail forcé" était lui légal dans les années 20. Ce n’est qu’en 1946 que le travail forcé sera interdit dans les colonies françaises, espagnoles et portugaises. A preuve, les orientations soutenues par Félix Éboué, gouverneur général de l’Afrique équatoriale française, pendant la Seconde Guerre mondiale. Puis c'est en 1887 que le gouvernement français l'imposa à l'ensemble de ses colonies. Lire l'article > Présentation : Dossier pédagogique qui propose d’étudier le travail forcé dans les colonies françaises comme exemple de réalités de l’empire colonial. Dans les années 20, le journaliste Albert Londres n’est pas le seul à le dénoncer. "L’administration prévoyait le nombre de travailleurs dont elle avait besoin pour l’année à venir, puis elle envoyait des miliciens armés dans les villages. Quelques jours auparavant, ce député était intervenu à la tribune pour dénoncer la situation des « indigènes » toujours soumis à des formes exceptionnelles et particulièrement brutales d’exploitation. En 2013, Jean Monville, ancien PDG de ce groupe, rappelait benoîtement « la fierté de ce qu’on avait fait dans le passé, de notre professionnalisme et de notre engagement dans nos “aventures” d’outre-mer ». Les populations furent bien souvent victimes de razzias, capturées parfois au lasso, et déportées dans certains cas sur des centaines, voire des milliers de kilomètres", rapporte l'historienne Catherine Coquery-Vidrovitch. L'un des premiers labeurs imposés aux habitants des colonies d'Afrique de l'Ouest fut le portage. 152 millions d’enfants sont contraints de travailler, dont la moitié environ dans les pires formes de travail, principalement les travaux dangereux. Légitimé et défendu, sous la Troisième République, par de nombreux hommes politiques, juristes et professeurs d’université notamment, le travail forcé a, sous différentes formes, été la règle dans les possessions françaises jusqu’à son abolition tardive le 11 avril 1946. ... Politique française (4) La peine de travaux forcés est encore en vigueur dans certains pays. De là ces indignations sélectives et hexagonales cependant que dans les possessions ultra-marines la condamnation cède le pas à l’acceptation. Bien distinguer la fiabilité d’un document, son objectivité. Dans le principe, le travail forcé sera justifié par la troisième République française de deux façons. Le travail forcé dans les colonies françaises Objectif méthodologique - Travail sur la présentation des documents: réfléchir sur le statut des documents en fonction de leurs auteurs, de leur contexte de création. En métropole, ils n’ont de cesse de dénoncer le Service du travail obligatoire (STO) établi par les autorités de Vichy le 16 février 1943 ; dans les colonies, ils trouvent normal d’imposer aux « indigènes » de vingt à vingt-cinq ans reconnus aptes, mais non incorporés à l’armée, un Service obligatoire du travail (SOT). Il existe certes des formes de compensation : on donne par exemple au travailleur du sel ou du tissu. A preuve, les orientations soutenues par Félix Éboué, gouverneur général de l’Afrique équatoriale française, pendant la Seconde Guerre mondiale. Activité 1 : Compléter un organigramme à partir de plusieurs documents. Demeurent de pauvres écholalies qui réhabilitent un discours impérial-républicain forgé sous la Troisième République. Dans les colonies, les indigènes sont soumis le plus souvent au travail forcé dans les mines ou dans les champs. Légitimé et défendu, sous la Troisième République, par de nombreux hommes politiques, juristes et professeurs d’université notamment, le travail forcé a, sous différentes formes, été la règle dans les possessions françaises jusqu’à son abolition tardive le 11 avril 1946. Mais LeMaître a été arrêté et condamné au travail forcé dans les colonies. C'est cette définition qui a permis à la conférence de Genève de 1930 de repérer cinq formes de travail forcé en vigueur dans les colonies. Activité 1 : Compléter un organigramme à partir de plusieurs documents. Alliance 8.7: Pour un monde sans travail forcé, sans esclavage moderne, sans traite des êtres humains ni travail des enfants. La construction de ce train Congo-Océan, dont on dit qu’il coûta la vie à un travailleur par traverse, est le symbole de l’emploi d’une main d’œuvre gratuite, réquisitionnée dans le cadre du travail forcé, autorisé dans les colonies. Il y avait "la réquisition, la prestation (rétablissement pour les Africains de la corvée abolie par la Révolution), la main d’œuvre pénale, l’obligation de cultiver, la deuxième portion du contingent", précise Une autre histoire. Chaque matin à 7h30, recevez l'actu du jour dans votre boîte mail. Michel Midi avec le chercheur Johan Hoebeke. Cette "deuxième" portion du contingent était celle qu,i mobilisée pour être soldat, était en fait utilisée pour des travaux. • M. Margairaz, M. Pigenet, Le prix du travail, France et espaces coloniaux, XIX-XXe siècle, Edition de la Sorbonne, 2019. Près de 24.9 millions de personnes dans le monde sont victimes du travail forcé. Bilan de cet “exploit”, réputé témoigner de la glorieuse « mise en valeur » du Congo français : 17000 morts « indigènes » pour la réalisation des 140 premiers kilomètres et un taux de mortalité sur ce chantier de 57% en 1928. "L’esclave est le bien de son maître. Une histoire moins connue est cependant celle du travail forcé, qui, dans les colonies, s'inscrit dans l'histoire post-esclavagiste. Cela dit, dans les faits, les travailleurs forcés sont réquisitionnés et maintenus au travail sous la contrainte. Comme sur le chantier du train Congo-Océan. Le Code de l'indigénat fut adopté le 28 juin 1881. "L’esclave est le bien de son maître. D’abord par le passage de l’impôt en argent à l’impôt en travail ; ensuite par la nécessité publique des grands travaux, gourmands en main d’oeuvre. La Société de construction des Batignolles dont la prospérité est en partie liée aux nombreux contrats remportés dans les possessions françaises. Elle a atteint ces derniers mois une proportion si grande, qu’on peut prévoir à brève échéance que la population, même la plus valide des hauts plateaux, sera tellement réduite, que les colons ne pourront plus rien entreprendre", écrivent 51 colons de Madagascar au gouverneur Gallieni en 1900. La peine de travaux forcés est une peine de détention assortie de travail obligatoire qui peut être infligée aux individus condamnés à l'emprisonnement pour des crimes ou des délits. Audaces intellectuelles ? Ce travail pouvait prendre plusieurs formes... qui revenaient toutes à utiliser de la main d'œuvre non payée ou quasi pas payée. (Le Monde, 21 mai 2013). Vérifiez ici si vous ne devez pas vous ré-inscrire. Voilà qui aide à comprendre les lenteurs de l’Assemblée nationale constituante à la Libération. Source : Le Blog d’Olivier Lecour Grandmaison, « Assange, un traitre pour les uns »… Ou la neutralité partiale des médias, 3 questions à John Catalinotto sur l’invasion du Capitole, La chasse aux clandestins de la 3ème République agonisante, Vous m’avez fait le don infiniment précieux de la pauvreté, Musée de Tervuren : La Belgique rattrapée par son passé colonial, Ouïghours, Amnesty ou la Chine : qui ment ? Le chef de village africain recevait une récompense financière pour le service rendu, l’incitant à fournir le nombre d’ouvriers demandés. Ma LeMaitre venne preso e condannato ai lavori forzati nelle colonie. Les possessions coloniales ont connu différents statuts et modes d'exploitation ; des colonies antillaises … (Gallica / BNF). Le développement du travail forcé a suivi les étapes de la colonisation. Dans une tribune publiée par « Le Monde », le 11 avril 2019, intitulée « Le travail forcé colonial dans l’empire français doit être reconnu comme un crime contre l’humanité », Olivier Le Cour Grandmaison, politiste, et Aminata Traoré, ancienne ministre de la culture malienne, rappellent l’extraordinaire brutalité des grandes compagnies et de l’administration coloniale dans l’empire français. Et, bien sûr, les travailleurs forcés, comme les esclaves, sont encadrés par des forces de l’ordre, des milices africaines recrutées sur le territoire même et commandées par des Européens", explique l'historien congolais Elikia M’Bokolo dans la revue Histoire. Joli tableau, n’est-il pas, de la très glorieuse colonisation française toujours présentée, par de nombreux contemporains, comme une entreprise généreuse destinée à apporter la civilisation aux peuples qui en ignoraient jusque-là les bienfaits. Mentions légales et Charte de confidentialité. ", ONU : Libye, Niger et Zimbabwe récupèrent leur droit de vote après paiement de dettes, Réchauffement climatique : les tourbières du Congo, un piège à carbone à protéger, Congo Belge : les enfants de la colonisation demandent justice, Un braconnier d’éléphants condamné à 30 ans de travaux forcés au Congo. Quand un "cercle de feu" traverse le ciel africain... Soyez alerté(e) en temps réel avec l'application franceinfo : Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation. A preuve, les orientations soutenues par Félix Eboué, gouverneur général de l’Afrique équatoriale française, pendant la Seconde Guerre mondiale. Au début du 20e siècle, le travail est rationalisé à l'extrême avec des techniques comme le taylorisme : travail à la chaîne, gestes répétitifs et chronométrés. – Michel Midi avec Emmanuel Wathelet, La Commune de Paris, la banque et la dette, Beaucoup de morts du Covid-19 «auraient pu être évitées»: Michel Collon dénonce à son tour «l’arrogance» occidentale, Frédéric Taddeï interroge Michel Collon sur son enquête consacrée à la crise covid, Bilan 2020 : Michel Collon répond aux questions – Michel Midi, Le vaccin, oui ou non? Qui a livré ce dernier chiffre ? Commencé au XVIe siècle, il a connu une évolution très contrastée selon les époques, aussi bien par son étendue que par sa population ou sa richesse. Deux ans avant, naissait Antoine Madounou, professeur d’histoire à … L'écrivain André Gide publie lui aussi dans la NRF (Nouvelle Revue Française) deux textes, Voyage au Congo (1927) et Retour du Tchad (1928), qui suscitent de vives polémiques, jusqu’à la Chambre des députés où un parlementaire veut attirer "l'attention sur la situation pitoyable des travailleurs dans les colonies, notamment sur le chemin de fer de Brazzaville, où le recrutement se fait par contrainte".